DANCING WITH THE ANGELS
SABRINA AMRANI GALLERY . MADRID . ESPAGNE
2021

Joël Andrianomearisoa n’impose pas de certitude, il propose une exploration sensible de cette frontière qui fige toute dualité. Il aime tisser dans cet interstice, à partir d’une multitude de possibles. En composant sereinement dans cet entre-deux, il vient défier ici la définition d’un désir qui finit par préempter le plaisir.
Dans un exercice fécond du désir, jamais associé à son pendant coupable, Joël convoque la rythmique partagée permise par la danse : un espace d’expression et de liberté corporelle créé avec l’Autre.
Par la figure de l’ange, à la fois bienveillante et invisible, il invoque cet Autre et le met en présence dans un jeu de réminiscences à plusieurs formes. Il convie le souvenir physique et rend hommage, aux frissons appris, aux extases pillées, à la part de l’autre que l’on porte en soi. Il nous suggère de suivre le chemin intime chorégraphié avec ceux qui continuent à vivre en chacun de nous.

© Sabrina Amrani gallery

A l’entrée de la galerie, telle une banderole commémorative, The Angels scande une succession de prénoms dont les sonorités diverses empêchent toute circonscription géographique. Il ne dit rien du rapport qu’il entretient avec ceux qui les portent, ceux qui l’ont imprégné et qu’il finit par inviter à s’installer en lui. Loin de l’acception aliénante associée au désir, l’artiste chérit et nourrit ces moments, ces relations, ces inspirations. Il rend ces « ouvertures sur le monde » indélébiles et les célèbre dans une puissance poétique et esthétique.

Joël crée une déambulation à partir d’une multitude de fleurs artificielles glanées en ligne et de par le monde, qu’elles soient ou non le fidèle reflet d’espèces existantes dans la Nature. Répliques de tulipes, de fleurs tropicales ou d’agapanthes s’enchevêtrent, s’apprivoisent et cohabitent dans une symbiose totémique. Affinant davantage la frontière déjà fragile des représentations dualistes, Joël ne tranche pas entre célébration et commémoration. L’installation les associe sans créer d’amalgame. L’artiste-fleuriste confie à chacune la liberté de se déployer dans leur diversité en les invitant à habiter l’espace, ensemble.
Conçue comme une suite de paysages irréguliers, la série de dessins laisse entrapercevoir çà et là, par ses linéarités répétitives, présences et absences, et vient rappeler que l’une et l’autre ne sont jamais absolues. Conjuguant la précision de la mine de plomb à l’indélébilité du pastel, les dessins révèlent des traces mémorielles couchées sur la douceur rassurante de la fibre textile. À travers un agencement intuitif mais jamais improvisé, Joël Andrianomearisoa nous emporte dans une interrogation sensible sur ce(ux) que nous sommes, par l’ affirmation irréfutable du désir. Sans jamais figer dans une géographie, il nous murmure une réponse à plusieurs voix.

Meriem Berrada