TOMORROW, TOMORROW. THOSE ARE FLOWERS. SO HOW ABOUT TOMORROW?
SABRINA AMRANI GALLERY . MADRID . ESPAGNE
2019
La force de l’impact des œuvres de Joël Andrianomearisoa, les traces qu’il laisse dans l’espace et sa marque ont toujours imposé leur présence ostentatoire. L’énergie qu’elles créent rappelle sans cesse leur immédiateté, soulignant un manque de temps, un espace créé sur la base de lois chronologiques, et une acuité qui bouleverse le monochrome. Cet aspect – qui informe la totalité de la production artistique d’Andrianomearisoa – joue sur le non temps, accentue sa répétition et marque le rythme d’un non avant et d’un non après quand il emploie des références qui plongent leurs racines dans des rites anciens et semblent donc viser le passé ; son véritable acte est de révéler en termes visuels et spatiaux la genèse viscérale de l’humanité, les racines non chronologiques mais inextricablement constitutives de la nature humaine et sa manière d’être dans le monde.
© Sabrina Amrani gallery
La façon dont Andrianomearisoa s’est toujours servi d’outils expressifs différents est présentée ici, avec toute sa profusion de détails qui accentuent l’excellence procédurale et le sens fondamental dicté par le pli, la minutie : des dimensions à travers lesquelles l’espace révèle les secrets de la couleur, ses évolutions et sa densité. L’opération accomplie par l’artiste pour cette exposition personnelle peut de prime abord sembler contredire ce qui a été dit précédemment, surtout si l’on focalise sur la force expressive et presque caustique des œuvres exposées, dont les aiguilles invisibles irritent l’air, ou peut-être accélèrent leur retrait pour laisser place au progrès de la dimension trinitaire ou destructive d’une division d’un quelconque espace-temps.
En réalité, la division suggérée par la visite de l’intérieur de l’espace de l’exposition est un vrai regard ironique, subtil et en même temps profond par rapport à la notion du temps. Le questionnement lié au sens le plus caché du passé, le sens le plus approprié du présent et le sens le plus probable de l’avenir est examiné encore plus en détail lorsque l’artiste se sert de ces compartiments chronologiques, les aborde comme des moments différents de sa carrière artistique, et se transforme donc en cobaye.
L’entrée de la galerie est marquée par la présence d’une œuvre de 2013 intitulée Dark Sky (Ciel Sombre), qui agit comme une représentation du passé, mais qui semble être une porte qui mène à la révélation de l’œuvre elle-même. Le visiteur est obligé de se confronter à un jeu dont l’objectif est de trouver la véritable entrée de l’espace de l’exposition, et qui souligne la difficulté innée d’entrer en contact explicite avec l’œuvre. Lorsque l’on trouve l’accès idéal, la lumière est révélée et la révélation est accomplie. On a l’impression d’entrer dans le processus créatif de l’artiste, un processus qui consiste exclusivement en des moments où la forme est divulguée dans toute sa dimensionnalité, et en lesquels la durée bergsonienne trouve le sommet de son expression : une absence temporaire dans laquelle le geste créatif dure dans sa manifestation absolue.
La deuxième partie de l’exposition consiste en une installation qui fait référence au présent à travers une série d’œuvres, suspendues ou non. La création la plus récente est exhibée, et ce que l’on voit ici n’est ni le temps ni l’œuvre d’art en tant que telle. A part former l’entièreté de l’œuvre, les éléments composites des miroirs servent de jeu visuel de reflets du passé et de l’avenir, ou, subséquemment, de leur conjonction en une seule étape intemporelle qui avance dans plusieurs directions.
La troisième et dernière partie de l’exposition élucide la réflexion radicale de l’artiste sur la signification appropriée de ces géants temporels, tout en ironisant sur la conception usuelle du terme futur, ainsi que sur les attentes communes liées à cette dimension temporelle.
Dorénavant, le futur est si visible et apparent qu’il est plus clair que le présent. Si clair qu’il s’affirme – qu’il s’auto-affirme – comme une véritable tautologie visuelle. Finalement, ce que ce mur de textiles et ses mots à répétition – ‘Demain, demain’ – voudraient effectivement représenter est un trampoline spatial, un référence immédiate à l’espace du présent, qui inclut aussi ce demain – ou qui l’incorpore sans le nommer. Et vous, aimez-vous les fleurs ?
Domenico de Chirico . 2019