Joël Andrianomearisoa croise les genres et les styles : il ne se veut ni couturier ni architecte ni vidéaste, ni designer, ni artiste et pourtant il souscrit au travail du couturier, de l’architecte, du vidéaste, du designer ou de l’artiste. A travers son intuition, apparaît ce mouvement de fond qui traverse les expressions artistiques de notre époque, celui de faire là où on a envie de faire sans autre souci de faire, laissant de côté la carrière spécialisée. Avec le costume et le corps comme points de non retour pour habiller le présent. Un costume cousu, un tissu teint, une image de papier, un film numérique, une matière d’acier, de laine, de bois, de béton ou de coton filés, pour que défile au cœur de la société, le temps, son temps.
Joël Andrianomearisoa se permet de rêver en volume et en matière, un rêve régulier comme une équation mathématique. A la fois intuitivement et intellectuellement, il coud le béton et burine le textile dans une présence de ses rêves découpés au cordeau pour les corps sensuels qui s’y glisseront. Des corps ondulants dans une architecture rigoureuse comme un Mies van der Rohe.
Dessiner et coudre : remettre le corps au centre. Un corps, mille corps qui rêvent et qui rient, qui posent et s’exposent aux autres, sans aucune gène ni fausse pudeur. Joël coupe et découpe une géométrie de l’abstraction, pour une réalité de chair et d’esprit.
Le textile est là , l’image, le bois et le béton aussi, à plat comme un dessin à y glisser son corps et ses rêves. Les regards perdus dans la certitude de la séduction, de l’amour et de l’amitié. Les têtes élégantes, fières ou déférentes, douces ou rudes, d’aujourd’hui comme d’il y a vingt ans ou cinquante ans ne gardent rien d’autre que la propre liberté de chacun dans le monde à être dans son temps, dans son humanité. Antananarivo, la ville capitale de Madagascar, avec ses mille visages et regards vit son devenir à son rythme comme à celui des autres villes du monde. Paris. La libération des pays comme des peuples passe par la libération des rêves de chacun.
Jean Loup Pivin